Ils disent qu'il y a un âge pour être vieille

6h30. 

Les chats me guident vers la cuisine comme des gardiens du petit matin, leurs miaulements étouffés rythmant mes pas encore endoloris. 

 

Mon corps me rappelle avec insistance les 22 kilomètres parcourus ce weekend, chaque muscle des mollets témoignant de cet exploit nocturne. 

 

La maison est encore plongée dans la pénombre, mon ado profondément endormie dans sa chambre.

 

Ce silence, parsemé uniquement des ronronnements impatients de mes matous affamés, est mon cocon. 

 

Le moment de mon scrolling matinal, cette habitude de picorer l'actualité en sirotant mon café.

 

Et là, au milieu des nouvelles qui défilent, un article attire mon regard : "À quel âge devient-on vieux ?" 

 

Le mot clignote sur mon écran comme un néon accusateur. 

 

Vieux. Vieille. 

 

Une étude qui prétend définir le moment exact où nous basculons dans cette catégorie. 

 

50 ans qu’ils écrivent ! 

 

Même mes muscles endoloris semblent soudain devenir des témoins à charge - suis-je déjà trop âgée pour ces marches nocturnes ? 

 

 

En tant que femme, la vieillesse n'est pas qu'un nombre dans une étude, c'est une ombre qui nous poursuit dès que notre corps ose montrer un signe de fatigue, dès qu'il réclame un peu plus de temps pour récupérer. 

 

 

Le café refroidit entre mes mains tandis que je fixe cet article. 

 

Une étude. Des chiffres. Des statistiques. 

 

Mais derrière ces données aseptisées, il y a nous. 

 

Nous, les femmes de 50 ans, qui venons de marcher 22 kilomètres dans la nuit, qui grimpons des montagnes, qui dansons jusqu'à l'aube, qui défions les étiquettes et les cases. 

 

 

Nous qu'on voudrait déjà ranger dans la catégorie "seniors" alors que notre corps vibre encore d'envies d'aventures, de défis, de vie.

 

Je repose mon téléphone sur la table, le laissant à ses statistiques et ses définitions. 

 

Mes mollets me font mal, oui, mais cette douleur raconte une histoire de dépassement, pas de déclin. 

 

Je repense à ces femmes croisées lors de ma marche nocturne : Catherine, 63 ans, qui marchait d'un pas plus assuré que les trentenaires ; Sylvie, 58 ans, qui riait aux éclats avec ses copines.

 

Bien sûr qu’il y a eu des abandons mais ce n’était pas la majorité. 

 

Mes chats se frottent contre mes jambes, indifférents à ces questionnements humains sur l'âge. 

 

Pour eux, seul compte l'instant présent, la caresse qu'on leur offre, la vie qu'on savoure. 

 

Et si c'était ça, la vraie sagesse ?

 

Je masse doucement mes muscles endoloris, avec tendresse cette fois. 

 

Ces courbatures sont mes médailles, les preuves que je suis vivante, que je continue d'oser, de tenter, de repousser mes limites. 

 

D'ailleurs, je souris en pensant que ces 22 kilomètres ne sont qu'une étape - l'an prochain, c'est le parcours de 39 kilomètres qui m'attend. 

 

Une nouvelle aventure, un nouveau défi que je me lance, non pas pour prouver quoi que ce soit, mais simplement parce que j'en ai envie, parce que mon corps est capable de ces folies merveilleuses, parce que la vie est faite de ces moments où l'on se surprend soi-même. 

 

La « vieillesse » n'est peut-être pas dans l'âge que définissent les études, mais dans le moment où l'on arrête d'embrasser la vie, d'accepter ses défis.

 

Le soleil commence à filtrer à travers les rideaux, dessinant des ombres dansantes sur ma peau marquée par les années et l'effort. 

 

Ces marques racontent mes aventures, mes victoires, mes audaces. 

 

Elles ne sont pas les signes d'un "trop tard" qui approche, mais les preuves d'un "maintenant" qui pulse et vibre.

 

Je sais que d'autres articles, d'autres études, d'autres regards tenteront de définir pour moi le moment où je deviendrai "vieille". 

 

Mais ce matin, dans ma cuisine où mes chats ronronnent de contentement, mes courbatures me murmurent une autre vérité : l'âge n'est qu'un chiffre, ce qui compte c'est l'élan du cœur qui nous pousse toujours en avant, vers la prochaine aventure, le prochain défi, la prochaine danse avec la vie.

 

Et si aujourd'hui, au lieu de nous effacer, nous décidions enfin de rayonner de tous nos éclats ?